Du fait des égarements d’un groupe de majorettes vulgaires, le Bikutsi est aujourd’hui perçu dans l’imaginaire populaire comme étant un rythme dépravé ; faisant la promotion de la pornographie.
Les productions de ces artistes égarés qui disent faire du Bikutsi ne tournent qu’autour bas ventre, du phallus, du sexe..Bref de la pornographie.
Ces artistes brillent par une vulgarité répugnante ; leurs seuls exploits consistent à remuer leur postérieur en arborant des tenues qui laissent entrevoir leur nudité. Ces artistes porno contribuent largement à la perversion de la jeunesse. Il n’est pas rare d’entendre des enfants de la maternelle ou du primaire fredonner leurs chansons obscènes, en imitant aux passages leurs pas de danse vulgaires et dépravés.
Non ! A l’origine, le Bikutsi n’est pas une danse ou un rythme faisant l’apologie de la pornographie.
Le Bikutsi est un rythme et une danse traditionnelle du Centre et Sud Cameroun. Pratiqué à l’origine lors des rituels de guérison béti, il est devenu au fil du temps un rythme populaire au Cameroun.
Le vocable « Bikutsi » est un néologisme de la langue Ewondo-Beti. Il est composé du préfixe « Bikut » et du radical « Si ». Le préfixe « Bikut » est formé du verbe « kut » c’est-à-dire battre, frapper. Le radical « Si » désigne le sol. Le mot « Bikutsi » signifie « taper les pieds au sol ». Comme l’explique si bien Jean Maurice Noah ; lorsque le soir au clair de lune, les femmes se réunissaient pour chanter, danser et se communiquer leurs idées selon une mimique et un langage connu d’elles seules, elles se livraient à des danses frénétiques et, en cadence, frappaient rudement le sol de leurs pieds : d’où le nom « Bikutsi » (littéralement « danse frappe-sol »).
Le Bikutsi était pratiqué par les femmes lors des rites destinés à guérir les maux et maladies, calmer la douleur après la perte d’un être cher ou encore soulager les souffrances. Aussi, dans une société patriarcale où seuls les hommes avaient droit à la parole, pour contourner ces différents interdits, les femmes organisaient des rassemblements festifs le soir au clair de la lune, après les travaux champêtres ou encore sur le chemin de retour du marché.
Elles formaient un cercle dans lequel chacune d’entre elles entrait pour exprimer ses peines, ses frustrations, ses déceptions, ses mécontentements. Ces rassemblements de femmes étaient en réalité des exutoires, des thérapies car ils permettaient à ces dernières de se retrouver pour évoquer des problèmes ou des difficultés qu’elles avaient en commun.
Aujourd’hui encore, la pratique existe, mais autrement. Le Bikutsi est exécuté par les femmes à l’occasion des grands rassemblements : les naissances, les deuils, les mariages, les tontines, les rencontres associatives. Le Bikutsi initié par les femmes ; est donc l’expression d’une révolte ; il est né en réaction, à une organisation socioculturelle fondamentalement patriarcale.
Jean-Marc Ela l’explique si bien : « A travers le rythme du Bikutsi ; les gestes du corps, les éclats de rire sonores et la violence des paroles, les femmes font irruption dans l’espace public, à partir de mots très simples qui mettent en lumière les problèmes cruciaux du pays »
C’est dans les années 1980 que vont émerger de grands noms du Bikutsi. Le rythme fixe son ancrage sur le plan national et commence à s’ouvrir à l’international.
Le Bikutsi originel n’est pas le rythme pornographique que veulent nous vendre les vulgaires majorettes de cette époque. Le défunt Pr Hubert Mono Njana quant à lui parlait carrément de « chansons de Sodome et Gomorrhe ».
Arol KETCH – 08.12.2023
Rat des archives