Vendredi 22 septembre 1989, Franco Luambo donne son dernier concert au Melkweg (The Milky Way) à Amsterdam. L’homme est épuisé par la maladie, amaigri, tout le monde sait que ses jours sont comptés. Franco lui-même sait qu’il est en train de partir. Il veut nous livrer son chant du cygne avant tout; il veut dire au revoir à ses fans comme il se doit. Le public s’est déplacé massivement de tous les coins du monde pour venir voir le grand sorcier de la guitare en concert avant qu’il ne tire sa révérence.
Ce jour-là, en allant puiser l’énergie dans ses plus profonds retranchements, Franco veut satisfaire son public. Lorsqu’on lance le titre « Chacun pour soi » de Josky Kiambukuta, Franco qui est assis car épuisé, essaie de se lever comme un lion qui ne veut pas s’avouer vaincu, la tristesse transparaît dans sa voix.Franco se saisit de son mouchoir pour essuyer les grosses gouttes de sueur qui ruissellent sur son visage. Il avait porté des lunettes ce jour-là pour cacher sa tristesse. Mais rien n’y fait; quelques gouttes de larmes se dessinent autour de ses yeux, sa voix est de plus en plus remplie de tristesse.
C’est alors qu’assaillis par l’émotion, les musiciens qui l’accompagnent sur scène se mettent à pleurer, le public aussi ne peut s’empêcher de laisser tomber quelques larmes. Les chanteurs aussi sont en larmes. Les pleurs envahissent la salle. Mais Franco réussit à se mettre debout. Comme transcendé, il est prêt à tout donner. Le grand maître ne voulait pas décevoir ses nombreux fans malgré le poids de la maladie.
Il tient le micro et lâche avec assurance : » chacun pour soi , Dieu pour tous ». Le ton est donné; la fameuse chanson est exécutée avec brio. Pour une première fois dans l’histoire, on vit une foule esquisser des pas endiablés et exaltés tout en pleurant : un mélange de tristesse et d’exaltation.
Ce sera le dernier concert de Franco.
Né en 1938, François Luambo Luanzo Makiadi demeure à ce jour le plus prolifique des compositeurs congolais.
Orphelin de père 11 ans, il doit abandonner ses études pour aider sa mère à vendre les beignets pour subvenir aux besoins de la famille. Entre-temps, le jeune homme s’essaie déjà à la guitare auprès de Luampasi Albert.
Il enregistre son premier disque à 15 ans et prend le nom de scène de Franco (Diminutif de son prénom François). Auteur-compositeur-interprète de talent, il fonde en 1956 l’orchestre OK JAZZ qui deviendra plus tard le TP OK JAZZ (Tout Puissant Orchestre Kinois de Jazz).
Le OK JAZZ de Franco rencontre un franc succès auprès de la gent féminine grâce à ses chansons chatoyantes célébrant l’amour sous toutes ses formes (amour romantique, secret, trahi, passionné, par intérêt, à sens unique etc.). Raison pour laquelle les femmes kinoises le surnomment « Franco De Mi Amor » et l’OK Jazz, « l’orchestre des jeunes filles ».
Habile homme de pouvoir, Franco a toujours su s’entourer des meilleurs éléments de la scène musicale congolaise, quitte à les acheter au prix fort. Son orchestre a servi d’école à deux générations de musiciens. Ses chansons éclairent les mœurs sociales et politiques des époques qu’elles ont accompagnées et l’ensemble de son œuvre apparaît aujourd’hui comme un symbole : celui d’un peuple africain nouvellement souverain se réappropriant la part légitime de son patrimoine éparpillé, transformé par force de traite, et le portant à des sommets de créativité contemporaine.
En 1987, une rumeur court que Franco est sérieusement malade. Cette année, il sort un disque intitulé Attention na SIDA (« Attention au SIDA » en lingala). Certains en déduisent qu’il est séropositif.
François Luambo Luanzo Makiadi est décédé le 12 octobre 1989 aux cliniques de l’Université Catholique de Louvain (Mont-Godinne) en Belgique. Son corps fut rapatrié au Zaïre où un deuil national de 4 jours avait été observé.
Il laisse des titres à succès comme comme , ‘’ chacun pour soi’’ , « Non », « Très fâché », « Mamou », « Makambo ezali bourreau », ‘’ Sandoka’’, « Très impoli », « Lettre au DG », « Mario », “libala” etc.
Quelle est votre chanson préférée de Franco Luambo ?
Source: Arol KETCH- 31.03.2021