Il y a un an nous quittait Ntoumba Minka. Parce que l’oubli est la ruse du diable, je ne t’oublie pas.
Ntoumba Minka est né un 17 juin à Mvogada à Yaoundé. Il est le fils d’un fonctionnaire au ministère des transports et d’une mère ménagère. Il sera très tôt orphelin de père.
Ntoumba fait ses premiers pas en tant que bassiste dans les orchestres scolaires. A ses débuts, il se met à la guitare basse pour épater les nanas. Très doué, il apprend vite, côtoie assidûment les ainés qu’il finira par surclasser. En réalité, il est déjà frappé par le virus de la musique alors qu’il est élève au collège de Nkol Wé. Il devient alors mercenaire pour plusieurs établissements scolaires de la cité capitale.
Sa réputation s’en va grandissant à tel point que l’orchestre national fait appel à lui dans les années 80 pour accompagner l’artiste Pierre-Claver Zeng. Ntoumba est talentueux et il se voit déjà intégrer l’orchestre de la CRTV ; cependant pour des raisons inexplicables, il est mis à l’écart.
Alors qu’il jouait de la musique dans les cabarets de Yaoundé, il a plusieurs fois été interpellés par la police et tabassés aux côtés des amis tels que Mbarga Tino, Ernest Mvouama, Chaud lapin. On leur demandait alors de chanter à haute voix « je ne fais plus la musique ; c’est pour les drogués ».
Il en sera durement marqué. Ntoumba a à peine 18 ans, il est orphelin de père. Sa mère est vendeuse de beignets ; il n’a que la musique pour aider sa famille car ayant abandonné précipitamment ses études. Il est dorénavant conscient qu’il n’aura pas d’avenir au Cameroun.
Premier choc de sa vie ! Puisque son talent n’est pas reconnu et valorisé dans son propre pays ; il serait peut-être temps d’aller chercher fortune ailleurs. Il décide de quitter le Cameroun le 13 mai 1987. Le jeune Minka est ambitieux, il voit très grand. Il prend le train pour le Nord au Cameroun. Après une folle épopée, il se rend au Nigeria.
Au Nigeria, il est engagé à Onitsha par Prince Nico Mbarga himself. Il va alors évoluer auprès de plusieurs musiciens de talents et de renoms. Après quelques semaines de collaboration, Ntoumba Minka reçoit sa paie et décide de continuer l’aventure. Escale au Benin, où il joue aux côtés de la grande vedette béninoise de l’époque Stanislas Tohon. Pour la petite histoire, le titre à succès « African typic collection » de Sam Fan Thomas est une fusion des titre « Yallow » et Stanislas Tohon et « Mboma l’heure » du grand maitre Franco Louambo Makadi.
En réalité Ntoumba a désormais pour ambition de se rendre en France. Après le Benin, il se rend au Burkina Faso sous la recommandation de Stanislas Tohon. Au Burkina, il rencontre l’artiste Roméo Dika ; ensemble ils joueront dans plusieurs clubs et cabarets. Au pays des hommes intègres, Ntoumba Minka sera profondément marqué par la révolution Burkinabè et surtout par la personnalité de Thomas Sankara. Il dira des années après qu’il n’oubliera jamais Thomas Sankara ; « le grand frère qu’il aurait aimé avoir ».
Après l’assassinat de Thomas Sankara, Ntoumba très choqué décide de quitter le Burkina Faso pour la Côte d’Ivoire. Ce pays va l’accueillir et va beaucoup compter dans sa structuration. Il est accueilli par une famille d’ivoirienne qu’il ne connait même pas ; cette famille va le couvrir d’amour. En Côte d’ivoire, il est sollicité par les plus grands et on lui donne la chance de faire ses preuves dans le show bizz.
Il est le seul bassiste qualifié du pays. Il croule littéralement sous le poids des sollicitations. Ntoumba Minka est membre fondateur du Zogang international aux côtés de Meiway, vieux Briscard, Dongui. En effet, un jour lors d’une tournée au Canada avec Meiway, Ntoumba et les membres de l’orchestre se retrouvent dans sa chambre ; Minka avait eu le disque de Nkodo Sitony avec lui ; il interprétait alors le titre « Mba Mvoé » de Nkodo sitony. Séduit par sa voix, Meiway le père du Zoblazo lui propose la créer ensemble un groupe. Le nom est tout trouvé ; le « Zoblaso des gangsters » ; le Zogang est né. Ils seront produits par Jean Pierre Saar. C’est le début d’une belle épopée.
Ntoumba Minka a inspiré toute la jeunesse ivoirienne des années 90 avec le fameux Zogang international.
La Côte d’ivoire restera à jamais son pays d’adoption. Toumba a soif d’aventure, il a déjà fait le tour en Côte d’ivoire. Il décide d’aller à présent conquérir l’Europe.
Minka arrive en France en 1990 et est accueilli par son vieux copain d’enfance Ernest Mvouama. C’est Guy Lobé qui lui offre sa première guitare.
Il devient un requin des studios et est sollicité un peu de partout. On ne le dit pas assez mais Toumba Minka a participé en tant que bassiste au succès de plusieurs artistes de renom : Papa Wemba, Aurlus Mabélé, Meiway, Monique Seka, Aicha Koné, Alpha Blondy, Awilo Logomba, Lapiro de Mbanga, Guy Lobé, Roméo Dika, Charlotte Mbango, Papillon, Fally Ipoupa, Werrason, Ferré Gola etc.
C’est Ntoumba Minka qui a réalisé l’album de la dernière campagne présidentielle du Président de la Guinée équatoriale (Obiang Nguema).
Ntoumba Minka se révèle au grand public à travers son tout premier album solo, « l’homme est mauvais » paru en 2005. Succès total. Les titres tels que : l’homme est mauvais, sexy maquereau, chérie coco feront fureur et enflammeront les dancefloor.
En 2009, parait son deuxième album avec comme titre phare « Taspé ». En 2011, il revient sur la scène avec l’album « Au secours on a faim ». Son dernier album avait pour titre « L’argent rend fou ».
La musique de Ntoumba Minka est particulière. Il a réussi à faire un riche métissage entre les rythmes originaires du Cameroun et ceux de l’Afrique de l’Ouest. Pour lui, la richesse de la musique est dans la fusion des rythmes. Il véhicule toujours des messages dans ses chansons en rapport avec le vécu quotidien.
Quelques titres connus arrangés par Ntoumba Minka : Okaman (Monique Seka), Missounwa (Monique Seka), la galère (pacome), Coupé Bibamba (Awilo Longomba), Carolina (Awilo Longomba), femme sans ambition (Papillon), ennemy solo (P-square feat Awilo Longomba) et bien d’autres.
Pour la petite histoire, plusieurs succès arrangés par Ntoumba Minka sont en réalité au niveau des ligne de basse, celles de titres de Makossa célèbres qu’il a renversées. Pour le titre « Carolina » de Meiway, il a renversé la ligne de basse de « Jom te bo e bo fo », un titre de Nelle Eyoum l’un des pères fondateurs du Makossa. La spécialité de Ntoumba Minka était de renverser les lignes de basse connues pour leur donner un deuxième succès.
L’artiste nous a quitté après avoir combattu un sale cancer. Il venait de mettre sur le marché son dernier album.
Que la terre de nos ancêtres te soient légère.
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Arol KETCH – 17.02.2021
Fourmi Magnan égarée