Lapiro était un artiste en avance sur son temps.
Si Lapiro de Mbanga était vivant aujourd’hui, il serait certainement aux côtés des enseignants OTS. En effet, dès le début des années 90, il a dénoncé en chanson les abus de nos dirigeants qui s’empiffrent avec l’argent du contribuable mais rechignent à payer les salaires des enseignants et autres. C’est le problème qu’il pose clairement dans le titre « Grand Pablo, Tchendji Ré » de l’album « Ndinga Man contre-attaque : Na wou go pay ? ».
Face à la gravité de la situation du Cameroun, Lapiro appelle d’emblée le cardinal, les évêques, les prêtres, les pasteurs, les imams, les marabouts à prier pour le Cameroun car « If Yawé no helep , we no go well »
Dans ce titre, Lapiro décrie le fait que les petits fonctionnaires travaillent mais ce sont les gros poissons qui mangent. Et lorsque les petits fonctionnaires demandent leur salaire, on leur parle de « crise économique ». Lapiro s’exclame donc : « Il n’y a pas de raison que tout le monde travaille et à la fin du mois, il y a seulement l’argent pour les grands Capo ; les petits fonctionnaires n’ont rien. Motif : les caisses de l’Etat sont vides, monsieur allez attendre ! ».
Les petits agents croupissent sous le poids des arriérés et des impayés. Ce qui est curieux relève Lapiro, ces arriérés concernent toujours les manœuvres mais jamais les directeurs, toujours les plantons jamais les ministres, toujours l’employé jamais le patron. Pourtant le salaire d’un seul « Djim tété » peut payer le salaire de 50 travailleurs à la fin du mois.
Les gens passent des années sans être payés mais en attendant le bailleur réclame son argent et ne connaît pas c’est quoi les arriérés, la SONEL et la SNEC donnent les factures chaque mois ; si tu ne paies pas, on coupe, il n’y a pas question d’arriérés. Les ordonnances médicales et la rentrée scolaire des enfants ne connaissent pas ce que c’est « les arriérés ».
Face aux impayés et aux arriérés, Lapiro propose une solution. Au lieu que la crise touche seulement les petits poissons, le chef de l’Etat lui-même, son gouvernement et les grands directeurs doivent renoncer à leur salaire pour que les petits poissons soient aussi payés. Car l’exemple vient d’en haut. En cas de naufrage, le commandant de bord est le dernier à quitter le navire. C’est le sens de l’honneur et de la responsabilité.
Pour Lapiro, les haut-fonctionnaires de l’Etat doivent sacrifier leurs salaires pour permettre aux petits poissons de vivre car les haut-fonctionnaires ont déjà assez profité : tchoko, avantages divers, bons d’essence, eau et électricité gratuit, téléphone gratuit, soins gratuits. De plus, ils gèrent discrètement des budgets dans les caisses noires (ceci nous fait penser à la fameuse ligne 94 qui est gérée et partagée entre un groupe de copains).
Lapiro interppelle le chef d’Etat (Grand Pablo) pour que les choses changent car le Cameroun est devenu le pays des arriérés : pension des retraités, l’argent des planteurs, l’argent des artistes, l’argent des étudiants, l’argent des enseignants, l’argent des lions indomptables etc..
Grand Pablo, Tchendji Ré
Arol KETCH – 16.03.22