A la fois chanteur, guitariste, auteur-compositeur et chef d’orchestre, Charles Lembé est une icône de la musique Camerounaise. Il fait partie de la génération des pionniers du Makossa. Sa maitrise de de l’écriture et du jeu de la guitare lui ont donné un style unique. Ses chansons resteront à jamais dans les annales de la musique de notre pays.
Il est le premier camerounais a signé chez Vogue (en même temps que Johnny Halliday). Un véritable exploit. En effet, Vogue est l’une des plus grandes maisons de disque de cette époque-là. Il y enregistre un 45 tours : « Echo du Cameroun ». Ce disque est considéré comme le premier disque Camerounais de l’indépendance. Le producteur a une idée de génie : il n’est pas connu en France. Donc il n’arrivera pas à vendre son disque. Celui-ci est donc envoyé en Algérie, où des soldats africains sont stationnés.
Le disque sera un véritable succès auprès des soldats africains ; Charles Lembé devient célèbre et sa carrière est lancé. C’est pour cela qu’il aimait toujours rappeler que sa carrière a été lancée grâce aux soldats africains. C’est pour cela qu’il est très Africain, parce que ce ne sont pas les Camerounais qui lui ont donné la célébrité, mais les africains de l’Ouest en majorité ; disait-il
On ne le mentionne pas très souvent mais Charles Lembé était aussi un véritable passionné de cinéma. En 1981, il écrit la musique de « La Brûlure », un film camerounais de Urbain Dia Moukory (près de deux années de travail). Il écrit aussi les scénarios de film. Au milieu des années 80, il se consacre à l’écriture et à la production cinématographique. En 1985, il co-produit son premier long métrage en coproduction, « Pourquoi les blancs font la polygamie » (Productions du Wouri).
Charles Lembé aimait l’Afrique et avait de nombreux projets pour ce continent. Malheureusement, ses projets ne vont pas prospérer à cause du poids du politique. Ses projets seront à chaque fois sabotés. Il avait par exemple à cœur de valoriser la production et la distribution du disque au Cameroun. Par deux fois, il viendra dans son pays le Cameroun avec des partenaires crédibles et à chaque fois on lui mettra les bâtons dans les roues. Et pourtant, l’homme ne demandait qu’à servir son pays.
Charles Lembé nous laisse plusieurs mélodies profondes. Excellent compositeur, ses chansons contiennent toujours un message : tondo longo, Diboumbè, Teresia, mabola, Aléa, Miango, Muka mutem, Itouedi etc.
Le titre Mot’a benama qui l’a révélé n’est-il pas l’un des titres les plus profonds du répertoire de la musique camerounaise ?
Un énorme succès sorti en 1973, signé Charles Lembe, titre-phare du de l’album « Voices of Africa ». Le titre « Mot’a Benama » dénonce la perte des hommes. C’est une chanson qui fustige la répression, les violences, les injustices, la désinvolture, le mépris. Une chanson qui demeure d’actualité. Cette chanson interroge l’être humain sur la finalité de sa vie sur terre.
Ci-dessous une traduction de la chanson «Mot’a Benama »
L’humanité court-elle à sa perte ?
Que sommes-nous venus faire sur cette terre ?
Pourquoi n’y’ a -il pas de paix ?
Pourquoi tant d’hypocrisie, de calomnies et de bassesse ?
Il est advenu pour toute l’espèce
Il faut juste un peu d’effort pour que chacun mange
Mais ces léopards et ces lions ne nous facilitent pas la tâche
C’est pitoyable, c’est pitoyable !
La tuerie et la guerre sont ton repas !
Tu es devenu comme un animal
Comme les animaux sauvages
La famille n’est plus, l’amitié est finie !
Maintenant c’est du « sauve qui peut »
Être humain, que cherches-tu ?
Si tu ne changes pas, ce sera mauvais pour toi
La terre est dans un désordre indescriptible
Les yeux deviennent aveugles et les oreilles sourdes
Tu flottes maintenant comme un débris »
RIP Charles Lembé
Que la terre de nos ancêtres te soit légère
Il est mort le lendemain du jour de son anniversaire
L’humanité court-elle à sa perte ?
Que sommes-nous venus faire sur cette terre ?
Dr Arol KECTH- Fourmi Magan égarée
06.12.2019