Manu Dibango était un instrumentiste complet. Il touchait à tout.
En 1960, Manu Dibango est embauché comme chef d’orchestre dans la boîte bruxelloise les Anges Noirs que les politiciens et intellectuels zaïrois en pleine négociation pour l’indépendance de leur pays fréquentent assidûment. Dans cette boîte, il fait la connaissance d’un jeune étudiant congolais, Justin Marie Bomboko à qui il offre régulièrement des verres de Coca Cola car ce dernier n’a pas assez d’argent pour se payer à boire. Quelques années plus tard, Manu Dibango apprend avec étonnement que le jeune Bomboko est dorénavant ministre des affaires étrangères au Zaïre (actuelle République démocratique du Congo).
C’est dans la boîte les Anges Noirs qu’il fait également la rencontre de Joseph Kabasélé dit « Grand Kallé ». Joseph Kabasélé avait été emmené en Belgique à l’occasion de la table ronde par Patrice Lumumba.
Grand Kallé tombe sous le charme du jeu de sax de manu et l’engage comme saxophoniste dans son orchestre l’African Jazz. Manu Dibango, musicien nourrit à l’école occidentale ne connaît plus grand chose à la musique africaine après tant d’années passées loin de la terre de ses ancêtres.
Il retourne aux sources et redécouvre les sonorités africaines dont une musique congolaise très développée et variée. Ensemble, ils enregistrent une quarantaine de morceaux dans un studio à Bruxelles pendant quinze jours. Les chansons enregistrées sont favorablement accueillies par les mélomanes africains et rencontrent un succès phénoménal en Afrique. Grâce au soutien du « Grand Kallé », Manu enregistre avec son copain Cubain Pepito son premier disque African Soul. C’est un bide.
Joseph Kabasalé lui propose un contrat d’un mois pour une tournée au Zaïre en août 1961. Il accepte le contrat et embarque son épouse avec lui, direction Léopoldville (actuelle Kinshasa). Partis pour un mois, ils y resteront deux ans. Ce sera une immense tournée africaine au cours de laquelle ils sillonneront en plus des pays d’Afrique francophone, quelques-uns d’Afrique anglophone et du nord.
« Je ne connaissais pas l’Afrique. J’ai appris à jouer la musique africaine avec les africains en Afrique ce qui est différent de faire la musique africaine avec des souvenirs » aimait à rappeler Manu Dibango.
Le couple Dibango prend parallèlement en gérance l’Afro-Negro, une boîte à succès à Léopoldville appartenant à Kabasélé. Son contrat terminé avec Kabaselé et son orchestre, Manu Dibango décide d’ouvrir son propre établissement, le Tam Tam qu’il anime avec ses propres compositions et son orchestre. Manu lance la mode du twist en 1962 avec le titre Twist A Léo. Ce sera un grand succès. Manu Dibango invite ses parents à Brazzaville en Avril 1962. Occasion pour lui, de leur présenter son épouse en terrain neutre.
A la demande de son père, il regagne le Cameroun en 1963 avec son épouse et ouvre son propre établissement qu’il baptise le Tam Tam comme le précédent. Le succès est immédiat : Les ministres, les fonctionnaires, les expatriés en font leur rendez-vous de prédilection.
Cette boîte ne fera pas long feu. Elle fermera après 6 mois ; après avoir accumulé plusieurs galères et soucis. La police multiplie des incursions au Tam-Tam et ternit sa réputation, la municipalité improvise des taxes mirobolantes, Manu et Coco font l’objet de haine et jalousie sans borne, une nuit Manu découvre même un serpent sous son oreiller. A la fermeture du Tam-Tam, Manu prend la gestion du Black & White à Yaoundé.
Epuisé par cette aventure africaine, le couple Dibango décide de plier bagages et retourne en France en 1965.
AROL KETCH – 23.04.2020