Pour une fois encore, la mode européenne est au cœur de l’actualité au sujet de ses relations tumultueuses avec l’Afrique et le monde noir. Cette fois ci, le Cameroun est particulièrement touché ! Hermès vient de mettre sur le marché des foulards de luxe inspiré du tissu Bamiléké. On a alors crié au plagiat, des grands noms comme Célestin Monga sont montés au créneau. Bien que sur le site d’Hermes, on peut lire qu’ils confirment eux-mêmes avoir péché dans les eaux douces des hautes montagnes de l’Ouest par le truchement de la Fondation Jean Felicien Gacha. Haut lieu de création culturelle situé à quelques kilomètres de Bangangté.
Pour poser le contexte, il faut rappeler qu’il y a près de 3 ans déjà, la mode avec le tissu bamiléké a vu le jour. Et on retrouvait déjà cette texture sur plusieurs styles de vêtements. Mais jusqu’ici on n’a jamais véritablement su comment ni par qui cette mode a pu s’installer dans les habitudes vestimentaires des camerounais. Contacté par l’équipe d’agenda culturel du Cameroun, le jeune artiste M. Kiessou a bien voulu donner sa version des faits.
- Mikael Kiessou, tu es un artiste qu’on ne présente plus. Tu es l’un des précurseurs de la modernisation du bend-skin dans la musique urbaine. Comment t’es venue cette inspiration ?
Nous sommes dans les années 2012 – 2013 les musiques venues du Nigéria et de la cote d’Ivoire occupent largement l’espace de diffusion musicale Africain et Camerounais. Je fais partie de la jeune génération de la musique urbaine Camerounaise qui cherche aussi à imposer sa marque à ce moment là. Au demeurant j’avais déjà produit les titres « demoiselle » et « abélé » qui n’ont pas connus un succès fulgurant. Il fallait trouver le bon filon. J’avais observé que ce qui faisait le charme de ces musiques d’ailleurs est qu’elles étaient entraînantes. Elles avaient du rythme à l’occurrence le coupé décalé. Et je me suis dit au moment où tout le monde cherchait à les copier qu’il fallait que je me démarque. Mes interrogations m’ont amené à la réponse selon laquelle nous avons aussi des rythmes entrainants chez nous, notamment le benskin et le bikutsi. Étant originaire de l’ouest c’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers le benskin avec pour objectif de le rafraîchir et de l’exporter au delà de nos frontières. C’est ainsi qu’avec la complicité de philjohn est né le titre à succès « bennam » Un projet qui obéissait à mon souci d’attachement aux valeurs culturelles de chez nous.
- Justement dès le départ, pour répondre à ta logique de retour aux sources bamilékés, on constate que tu arbores des vêtements avec ce tissu très original. Explique-nous comment cette mode est venue à toi ?
Ayant créé la démarcation avec ma musique, j’étais ravi de mon positionnement. Le public l’avait tout de suite validé. Il fallait donc répondre aux sollicitations à travers les spectacles. A ce moment là, les artistes Ouest Africains qui marchaient bien étaient devenus les ambassadeurs du Dashiki. Ce boubou Africain avait pignon sur rue. On le retrouvait partout, c’était la mode au Nigeria, au Ghana, en cote d’Ivoire et même le Cameroun l’avait adopté. De wizkid, davido en passant par Sarkodie tout le monde arborait fièrement le dashiki à tel point que même aux USA les stars à l’instar de Chris Brown n’y ont pas échappé. C’était le Boom du dashiki. Et moi de mon coté, étant engagé comme défenseurs de notre culture, je me suis dit si je mets aussi du dashiki quel sera la différence entre wizkid pour ne citer que cet exemple et moi?
- Dans l’historique de cette tendance, on n’a jamais mentionné ton nom. Peux-tu nous dire haut et fort ici que tu es le père du boubou bamiléké au Cameroun ?
Je suis bel et bien celui qui a lancé cette mode au Cameroun, celui qui a vulgarisé cette tendance. Je donne un aperçu de cela dans mon clip bennam tourné en décembre 2012 et paru en janvier 2013. Les images sont là, mes contemporains sont là. Au début je me souviens même certains ce sont moqués de mes gars et moi en disant mais Kiessou qu’est ce qui lui arrive? Il est vraiment sérieux avec sa touche traditionnaliste là? (Rires). Mes danseurs ont même voulu bouder à un moment et je leur ai dit c’est ce qui fait notre particularité. A force de le promouvoir certains sont tombés sous le charme. J’avais un contrat d’exclusivité avec Soh Cameroun. Un jour il m’appelle et me dit Michael nombreuses personnes me contactent en disant on veut les mêmes tenues que Kiessou qu’est ce que je fais? Et je lui ai dit vas y tu peux reproduire. Pour moi c’était une fierté. C’est de là que part l’essor du ndop. Y’a eu une récupération tous azimuts et aujourd’hui le ndop est devenu un tissu de luxe. Dommage que mon nom soit pas cité. J’imagine que c’est parce que personne n’a encore fait ce travail de fond visant à restituer le parcours et le succès du ndop en tant que tendance à la mode. Mais voilà vous le faites enfin (rires)
- Aujourd’hui c’est une tendance, une mode, plusieurs y ont même recours pour des cérémonies officielles, des mariages, etc…Qu’est ce que tu ressens après avoir été à la racine de tout ce bien ?
Un sentiment de fierté. Comme un devoir accomplit. Celui d’avoir convaincu mes frères de la nécessité du retour aux sources, de la considération de nos valeurs identitaires. Voyez vous à travers ça nous renforçons l’offre du Cameroun pour le monde. Voilà Hermès qui a suivi et c’est le Cameroun qui ainsi se vend à travers le monde. Ce sentiment de fierté a commencé depuis le Cameroun lorsque les Camerounais d’autres régions l’ont adopté avec fierté. Vous verrez locko dans mon clip Lomdie être heureux de mettre cette tenue à mes cotés. A la fin du tournage il était très jaloux de ses tenues.
- Quelles sont les autres moyens que tu comptes mettre sur pied pour continuer à valoriser cette culture assez riche et inspirée ?
Très prochainement je livrerai un nouveau projet où je m’attaque à un autre rythme populaire de l’ouest Cameroun : le samali. Le public connait la fertilité déprit du nomtema. Cela dit vous ne serez pas au bout de vos surprises.