Auteur-compositeur, chanteur, poly-instrumentaliste, arrangeur, chef d’orchestre au talent incommensurable, Mekongo Président fait partie des artistes les plus brillants de sa génération. Il a largement contribué à la modernisation du Bikutsi en y introduisant diverses influences externes.
Beaucoup le classeront dans le tiroir des artistes « Bikutsi » ; et pourtant Mekongo Président a joué un fondamental dans l’éclosion du Makossa. En 1978, c’est un coup de tonnerre au Cameroun lorsque sort Yoma Yoma de Dina Bell, l’une des chansons makossa les plus complètes. Très peu le savent mais cet album fut co-produit par Mekongo Président.
Bien que originaire du centre, il a opéré une révolution dans la musique Camerounaise en reunissant Makossa et Bikutsi. Il est l’un des seuls artistes estampillé Bikutsi à avoir réuni le temps d’un album, l’équipe nationale du Makossa.
En 1983, Mekongo Président décide de quitter la France pour s’installer au Cameroun avec sa femme de nationalité française et leur enfant. Il a en tête plusieurs projets afin de valoriser la culture et la musique dans son pays. Par ailleurs, il est sollicité pour travailler à L’Ensemble National. Il crée une structure artistico-culturelle, mais est victime d’un grand coup de vol. A l’Ensemble National qui l’emploie, on fait tout pour l’empêcher de travailler.
Désargenté, il ne comprend pas ce qui lui arrive. Le double choc du coup de vol et du chômage, le plonge pour la première fois dans la dépression. Son épouse qui était la seule à s’occuper de lui finit par craquer à son tour et retourne en France avec leur enfant. Blessé dans son amour propre et dans sa fierté, Mekongo Président sombre dans une grosse dépression.
Jusqu’à sa mort, Mekongo Président restera plongé dans une dépression récurrente. En effet, le départ de l’épouse et de son enfant fut une déchirure douloureuse et violente. Les décès du père et du frère magistrat qui vont suivre ne feront qu’aggraver les choses en installant l’artiste dans une profonde détresse. Il est abandonné à lui-même, lui qui avait toujours chanté l’amour, la paix et la solidarité.
Il fait face à un climat d’animosité : insultes, railleries, mépris de la part de jeunes artistes parvenus. C’est la rechute.
Mekongo fait des rechutes régulières dues au fait qu’à chaque fois qu’il arrête ses médicaments, il s’expose avec fragilité à un environnement qui lui est hostile : railleries permanentes, manque de respect, la précarité, les coups bas qui fusent de partout.
On ne parle plus dans la ville que de la folie de Mekongo, même ses amis d’hier prennent un malin plaisir à le pointer du doigt alors qu’il erre dans les rues en haillons. Honni et banni de toutes parts, excepté du Dr Ntoné et de quelques soutiens dont le musicien Ben’s Bélinga, personne ne prêtait plus réellement attention à son triste sort. Il n’avait même plus de quoi payer ses comprimés.
Comme le relève si bien Thiéry Gervais Gando dans un article paru chez mutations en 2004 : « Beaucoup attendent que vienne la mort pour régler les comptes de cet homme désormais honni. Ses moindres mouvements d’humeur soulèvent austérité de la part de ses proches. Un frère détourne, apprend-on, le peu d’argent que l’autre cadet musicien, Ben’s Bélinga (basé en France) envoie pour le suivi médical. »
Il décide d’aller se refugier dans son village où il erre dans les rues poussiéreuses comme un sans abri ; abandonné de tous.
Mekongo Président est finalement décédé le samedi 11 octobre 2014, à Esse, dans la Mefou-et-Afamba, où il s’était retiré depuis plusieurs années.
Pour ne pas faire de lui une victime, notons aussi qu’il n’était pas un saint et avait fait des choix de vie particuliers qui ont conduit à sa perte.
Source: Arol KETCH – 20.06.2020