Sala Bekono est l’artiste “Beti” qui a osé demander à Paul Biya de rendre des compte
Le Bikutsi est souvent considéré à tort par certains comme étant un rythme faisait exclusivement de la promotion pornographique. Ce qui est faux, puisque certains artistes ont utilisé ce rythme pour transmettre des messages didactiques et même pour exercer un engagement politique.
Parmi ceux-ci, on peut citer Sala Bekono, un digne fils du centre qui bien avant valsero et sa lettre au président a eu le courage d’adresser un véritable pamphlet au prince pour lui demander en chanson de rendre des comptes. Son fameux titre “Mot Nnam” de l’album éponyme va lui attirer les foudres des sbires du régimes.
“Mot Nnam” signifie littéralement “Le Prince”. Prince comme “Le Prince” de Machiavel, livre qui serait selon certains le livre de chevet de Paul Biya.
Sala Bekono dit ceci dans le titre “Mot Nnam”:“
ô Prince où va le pays?
Que devient le pays?
Prince, le pays va à la dérive!
Prince, c’est la déchéance nationale!
Où est parti l’argent du pays ?
Tout le monde voudrait savoir et en le droit : les vendeurs à la sauvette, le planteurs, nous voulons tous savoir où est passé l’argent du pays!
Enfant de Nkolandom, on va faire comment?
Enfant de Nkometou, on va faire comment ?Dites-nous où est passé l’argent?
Refrain
Ils le savent tous ! Ils le savent tous !Ils le savent tous !Prince où va le pays?
Tous les décideurs étaient au courant de cette situation
Que devient le pays?
Qui a bu et a mangé à l’ère des vaches grasses”
Et pour montrer l’état piteux dans lequel se trouve le Cameroun, le vidéoclip de la chanson “Nnam” est tourné sur un tas d’ordures , avec des plans serrés qui montrent l’état de délabrement du pays. Sala Bekono va subir la foudre des siens. Comment expliquer qu’un digne fils béti ose critiquer le pouvoir? De plus, Sala est originaire de la même région que la défunte Première Dame (Jeanne Irène Biya), il est donc le beau-frère du Président.
Ethniquement, il est aussi proche du président. L’aile dure du régime l’accuse de déloyalisme et est décidé à lui faire payer cet affront. Il va subir des menaces et sera même inquiété à l’occasion de ses prestations dans les cabarets. Il va même être sauvagement chicotté dans un poste de police pour avoir osé interpeller le président de la République.
Malgré cela, la chanson “Mot Nnam” va connaître un grand succès. Les passages de Sala Bekono dans les cabarets provoquent des scènes de liesse populaire et d’hystérie collective. Le public est conquis par ce titre qui exprime les réalités, les interrogations du bas peuple. Sala Bekono est érigé en voix des sans voix; celui-là qui pose haut les questions que le bas peuple murmure tout bas.
Sala Bekono va mourir en 1999 dans le dénuement total et l’anonymat. Abandonné de tous.Les mauvaises langues vont affirmer qu’il aurait été liquidé par les caciques du régime qui n’avaient pas digéré son titre “Mot Nnam” paru 7 ans plus tôt. Info ou intox ? vérité ou mensonge? Toujours est-il qu’il est parti dans l’anonymat.
Sala Bekono compose “Mot Nnam” en 1992, 27 ans plus tard, on peut dire qu’il était un visionnaire. On a tout un gouvernement en prison qui a pillé la fortune publique, on a lancé des opérations Antilope et même épervier.
Et dire qu’en 1992, Sala Bekono dénonçait déjà le pillage de la fortune publique.
Comme, pour vous dire que nous vivons sous la coupole d’une bourgeoisie compradore. Ceux qui pillent le pays sont de toutes les ethnies et il serait illusoire de prétendre que Paul Biya pille le pays avec les siens, puisque ceux-ci sont aussi les victimes de ce régime glouton.Le cas de Sala Bekono, l’illustre à suffisance. Il y a deux ethnies au Cameroun, l’ethnie de ceux qui mangent et celle de ceux qui ne mangent pas.
Arol KETCH – 29.03.2019
Fourmi Magnan égarée